Navette caméléon

A notre sens, ce tissu, le plus simple dans sa conception est également l'un des plus difficiles à réussir.C'est un vrai miroir, la moindre irrégularité prend des proportions catastrophiques. Il nécessite de trés nombreuses précautions, une régularité sans faille et une bonne expérience de sa pratique. Si ce n'est plus vrai pour une grande part des tissus, ici, le tissage à bras montre sans conteste une supériorité au tissage mécanique (et c'est bien pour cela qu'on a choisi d'en produire).

Le taffetas caméléon exige :


- un dévidage parfait   

- un canetage parfait   
- des canettes de même grosseur   
- une forte tension de la chaîne   
- un bon freinage des trames   
- un système à la lève et baisse   
- l'utilisation de 6 cadres et un remettage (rentrage) amagalmé   
- l'utilisation d'un régulateur   
- l'utilisation d'un marcheur (on ne touche pas le battant)   
- un lancement souple et amorti de la navette   
- une navette caméléon

Le Taffetas caméléon

Peut-être n'aviez-vous jamais entendu parler du taffetas caméléon avant de découvrir ce site. Normal, tout d'abord parce que ce tissu n'est plus fabriqué depuis longtemps, et ensuite parce que nous sommes amoureux de ce tissu et que nous ne manquons pas une occasion d'en parler ...

Mais commençons par définir ce tissu, pour tous ceux qui ne connaissent pas encore les soieries.

Taffetas est le mot employé en soierie pour désigner un tissu armure toile, un fil pris, un fil laissé.Il était autrefois utilisé pour désigner les toiles de soie, mais depuis une centaine d'années qu'existent les fils synthétiques, il désigne aussi les tissus toile faits de ces matières.


En conséquence, taffetas n'implique pas obligatoirement soie, c'est bon à savoir.


En digression, nous avons souvent remarqué combien certaines erreurs de terminologie ont donné lieu à des inepties qui se sont généralisées et ont la vie coriace. L'un des meilleurs exemples qu'on puisse citer est celui du satin.Le satin est une armure, un mode d'entrecroisement des fils, il peut donc être en soie, en coton, en lin ou en n'importe quelle matière tout comme une toile ou un sergé peuvent l'être aussi.J'ai lu des centaines de fois, sur Internet, dans des revues ou dans des livres de littérature des mentions du genre :


" Des robes en soie ou en satin..."

Comme si le satin était une matière. Une sacrée confusion ...


Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos vers à soie. Le taffetas, toile de soierie, a certainement été le tissu de soie le plus fabriqué, pour l'habillement, pour l'ameublement, ou pour les tissus utilitaires. De trés nombreux taffetas portaient une désignation commerciale permettant de différencier ce tissu selon sa qualité, son usage ou encore le type de fils de soie qui le composaient (voir la rubrique sur quelques variantes du taffetas, sur ce site)..
Soit, le taffetas est une toile de soie. Et nous comprenons que selon sa qualité et sa composition, il porte un nom ou un autre. Je serai personnellement plus restrictif (cela n'engage que moi) et définirai le taffetas comme un tissu armure toile tissé avec une chaîne et une trame en organsin.


Allons bon, mais qu'est-ce que l'organsin ?


L'organsin est formé de deux (parfois trois ou plus) fils poil tordus séparément en torsion droite (Z), puis retordus ensemble en torsion gauche (S). La torsion S est de 500 à 600 tours au mètre, la torsion Z variant selon la destination de l'organsin : 300 t/m pour les fils de velours, 400 t/m pour les satins, 500 pour les taffetas (toile). Plus on donne de tours, moins le fil est brillant et plus il est solide. L'organsin est surtout utilisé pour la chaîne.
L'organsin est donc par excellence le fil de chaîne des tissus de soie et donc du taffetas.

On peut dire, pour les amateurs de tissus à l'ancienne, que le taffetas de soie se caractérise concrètement, cela est reconnu par tous, par un toucher trés particulier que n'a aucun autre tissu.
Chacun a entendu parler du crissement de la soie que l'on manipule. Quand on a touché un beau taffetas de soie, cette sensation dans les doigts reste inoubliable. Un taffetas à l'ancienne a "de la carte", c'est à dire que lorsqu'on le triture ou le secoue, le toucher et le bruit sont ceux d'une feuille de papier calque.

Le taffetas à l'ancienne a cette particularité d'utiliser également de l'organsin en fil de trame, et c'est ce qui lui donne cette "carte".

Et le fameux taffetas caméléon, qu'est-ce donc ?

Là, on touche un point délicat de terminologie :Si on parle de taffetas caméléon, on parle d'abord de taffetas changeant.D'une manière générique, un taffetas changeant est un taffetas dont l'aspect change suivant l'angle selon lequel il reçoit la lumière : il change de couleur.

Dans les taffetas changeant, on trouve :
1- Le taffetas glacé : la chaîne est d'une couleur et la trame d'une autre couleur.Celà suffit pour lui donner cet aspect changeant.
2-
Les taffetas dits "caméléon" : l'aspect changeant est encore plus fort, il est composé non pas de deux couleurs, mais de trois.C'est là que la polémique peut s'établir. Car les taffetas caméléons ont d'abord été tissés à la main. Puis l'industrie, à partir de 1890 environ a cherché à fabriquer ces tissus au métier mécanique, sans jamais parvenir à franchir les écueils qui étaient pourtant surmontés par la main de l'homme, cette main intelligente qui la différencie des cames et des moteurs. L'industrie a donc "adapté" cette technique pour obtenir un tissu dont l'effet approche celui du caméléon tissé main.Ainsi on a utilisé une chaîne composée par exemple d'un fil bleu, un fil vert, etc... On a en somme confié à la chaîne le travail de la trame... Et la trame utilisée n'était que d'une seule couleur.Pour ce qui nous concerne, ce tissu est un taffetas changeant de qualité bien inférieure, mais pas un caméléon.

Dans le taffetas caméléon tissé à bras, le vrai, on utilise une chaîne d'une seule couleur et on emploie une navette spéciale, dite "navette caméléon" qui comporte deux canettes de couleurs différentes, dont le déroulement est freiné individuellement sur chacune des deux trames. En effet il faut impérativement que les deux fils soient déposés tendus dans la foule sans jamais se toucher, de manière à être rigoureusement paralèlles une fois tassés.